Témoignage du Centre de rééducation fonctionnelle neurologique Bel-Air (Croix-Rouge française) : M. Xavier PINEL, directeur, et M. Christian MICHAUD, Animateur Prévention TMS.
Si vous avez déjà essayé de convaincre un adolescent du bien-fondé d’une limitation de vitesse en scooter, vous avez déjà une idée des efforts à fournir pour intégrer la prévention des Troubles Musculo-Squelettiques dans la politique de ressources humaines d’un établissement de santé ou médicosocial !
Les troubles musculo-squelettiques, dans notre secteur sanitaire, c’est souvent rien de gênant aujourd’hui, mais c’est notre santé qui, en sourdine, s’amenuise progressivement et irrémédiablement, car quand dans le temps la douleur apparaît, le mal est souvent fait !
Prévenir les TMS ? Ni les salariés ni l’employeur n’y ont intérêt à court terme bien que les deux soient souvent convaincus de son importance à long terme. C’est donc une politique de petits pas qui permet des avancées rétroactivement significatives.
L’amélioration des techniques de prise en charge, l’acquisition de matériel d’aide aux transferts et l’évolution de la législation ont incité l’établissement à aller plus loin par une prévention des Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) intégrée dans le quotidien, les TMS étant à ce jour la première cause évoquée de pénibilité du travail et d’accidents du travail. D’où l’importance d’une dynamique de prévention centrée sur l’analyse des risques liés à l’activité physique dans l’ensemble de l’établissement.
La prévention des TMS suppose de connaître le contexte qui les génère, de faire l’analyse des situations de travail et des postes de travail. Elle implique d’avoir une réflexion globale sur l’organisation du travail. La prévention doit mobiliser des compétences différentes au sein de l’entreprise (direction, salariés, CHSCT, délégués du personnel, médecin du travail…) dans une démarche participative pour faire ensemble un diagnostic et rechercher des solutions.
L’analyse des situations de travail posant problème (manutentions, organisation du travail, moyens techniques mis à disposition) aboutit à la définition de solutions de prévention possibles.
Le choix de l’animateur prévention s’est imposé de lui-même.
Depuis longtemps, un infirmier était également formateur « gestes et postures » pour les collègues de travail. Intégré dans l’établissement, connaissant tous les métiers, notamment ceux exposés aux risques TMS, il jouissait déjà d’une reconnaissance interne forte.
Par ailleurs membre du CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), il était directement impliqué dans la dynamique d’amélioration des conditions de travail.
Par son financement, OETH a été le coup de pouce qui lui a permis de passer du rôle de formateur à celui de préventeur.
Sur le papier, l’étape est simple ; sur le terrain, un peu moins.
D’abord, la double casquette préventeur/représentant du personnel (élu au CHSCT) peut générer quelques freins. À quel moment l’action se situe-t-elle sur le terrain de la représentation du personnel ? À quel moment, en tant que préventeur, est-il porteur d’une politique d’établissement ?
Le temps dédié à la fonction préventeur est par ailleurs faible (une journée par mois). Une présence peu visible qui ne facilite pas la communication sur le sens et l’enjeu de cette mission.
Enfin, pour de nombreux professionnels, c’est une mission nouvelle aux contours encore imprécis, souvent exclusivement rattachée à la mission reconnue de formateur en gestes et postures.
Et pourtant, malgré ces difficultés, les avancées sont tangibles :
- la mise à jour régulière et de plus en plus pertinente du document unique par un groupe de
professionnels dont le préventeur ;
- le développement de la communication sur les TMS ;
- l’analyse plus détaillée des accidents du travail en CHSCT avec des aménagements de postes ou des acquisitions de matériels ;
- la formation TMS renforcée ;
- l’intégration de la démarche de prévention dans le choix de matériel par un intervenant interne connaissant les métiers et leurs difficultés (exemple : un véhicule adapté pour le transport de patients avec handicap sévère, un chariot de traction électrique pour les chariots repas des patients, l’achat d’aides techniques au transfert des patients : draps de glisse…) ;
- et enfin, progressivement, l’acquisition du réflexe de prévention par l’ensemble des professionnels et par l’encadrement.
En rééducation, nous savons tous que les petits pas valent bien quelques enjambées trop rapides lorsqu’ils permettent une démarche assurée dans la bonne direction.